Le Coeur
C'est un vigoureux manoir qui surplombe la vallée.
Sa pierre blanche fait jaillir une lumière pure sur les yeux des passants
Il est bien fait, agencé avec finesse et raison
Ses créneaux sont ceux d'un architecte de renom.
La chapelle est de toute beauté,
Ornée dans tous ses recoins de témoignages de piété.
Mais si l'on s'y penche avec attention,
Ce manoir nous révèle des secrets étonnants.
C'est sur un rocher calcaire qu'il est établi.
Il a été consolidé, renforcé
Mais parfois un bloc se détache et s'emballe,
S'écrasant à grands bruits dans la vallée.
Les années passent et pourtant ce manoir est
Toujours le même,
Planté sur son rocher,
Toujours plus petit.
Tiendra-t-il longtemps ?
Derrière ces créneaux le chemin de garde est délabré,
Le lierre envahit tout,
Les pierres sont disjointes.
On passe la porte de la chapelle,
C'est une large fissure qui se dessine désormais au plafond.
On passe les portes du donjon,
Les pierres sont noires,
La lumière a-t-elle un jour pénétré dans ces murs ?
Certes oui, mais la crasse du temps est tenace.
Si l'on gratte un peu,
C'est une pierre grisâtre qui se dévoile.
Si l'on frotte encore,
C'est un chêne qui se montre,
Si l'on burine ensuite,
C'est un cœur saignant, ouvert et brillant,
Étonné de voir des yeux le toucher, sans barrières ni rocher.
Si l'on descend encore,
On voit une cheminée.
La suie a tout recouvert,
L'étoupe s'écrase au fond.
Mais derrière est un blason, une âme, une profondeur
Qui, empâté dans la fumée du monde,
A peine à comprendre ce qu'il est.