Voile digital

Qu'on nous arrache aux gibets de la fibre optique,
Nous pendons à des potences numériques,
Prisonniers de l'écran et de ses périphériques,
Sombrant dans le progrès technique.

Aveugles, nous célébrons la captation de nos visions par les machines,
Heureux de nous voir emporter par des torrents de médiocrités assassines,

Qu'elles nous fassent jouer, rire, jouir,
« Laisse moi voir encore un peu de toi,
Je veux te regarder, tout voir,
Maintenant, je veux tout maintenant, tout boire. »

Qu'on nous arrache à ces chimères virtuelles,
Nous devenons les spectateurs éternels
De visages et de vies sous forme de pixels,
Consommateurs assis, nourris, endormis,
Voyeurs cachés derrière un voile digital,
Nous restons à la porte de nos vies.

Qu'elles nous gardent fascinés,
Loin du silence et du sens,
Qu'elles nous gardent occupés,
Loin de la réalité et de son inconstance,
Qu'elles remplissent le temps qui s'écoule lentement,
Lui que l'on appelle le précieux mais que l'on dilapide si facilement.
Les images défilent sous nos yeux rougis,
Mais qu'en sera-t-il lorsque ce seront nos vies ?

Ensemble connectés nous n'avons jamais été aussi divisés,
« Je te vois sur cette image, sur ce photomontage,
Je regarde ton visage, une forme sans âge,
Mais maintenant que tu es là, face à moi, 
Je ne sais pas fixer ton regard bleu roi,
Le malaise est immense, la découverte est brutale,
Il faut que je me couvre de mon voile digital. »

Oh oui, qu'on nous arrache à ces leurres,
A toutes ces horreurs qui emportent nos talents et nos vies,
Notre énergie, notre bonheur et nos envies,
Nous croyons y vaincre la mort et la souffrance
Mais nous n'y faisons que fuir l'existence.